Tous les 6 ans, parfois 7 lors des mauvaises périodes où les calamités s’abattaient sur le village, les chevaliers de la table ronde devaient se battre en duel par équipe afin de renouveler le Céhème.
En l’an de grâce 2008, les sieurs d’Alpes et d’Oran ainsi que Dame Sainte-Victoire se concertaient avec leurs équipes respectives. Deux d’entre eux voulaient se battre à la loyale en mettant en avant leurs visions pour que Venelles en sorte grandi. Par contre, un chevalier félon, assez poltron et plutôt vulgaire dans ses propos, préférait opter pour les coups bas. Au lieu de monter sur son cheval armé de son programme, affronter ses adversaires en argumentant sur ses futures nobles actions face au public, le félon agissait en douce. Tout était bon pour couper les jarrets des chevaux de ses concurrents, quitte pour cela à répandre du fumier sur la place publique.

Ce chevalier félon était aidé en cela par deux hommes de main, Ortie et Vinssoux (dit l’homme des bois).
Dame Sainte-Victoire s’était rendu sur la contrée Iter et avait constaté qu’elle tombait sur un fort problème : Iter était morcelée en une multitude de petits propriétaires terriens, chacun tirant la couverture à lui, et nullement prêts à se séparer de leurs fiefs sans contrepartie. Dame Sainte-Victoire comprit qu’il allait falloir beaucoup de temps, de réunions, de concertations, d’hommes de lois, d’architectes, pour arriver à fédérer tous ces propriétaires. De longues années en perspective alors qu’il y avait tant de demandes urgentes !
Dame Sainte-Victoire, pour donner rapidement un toit aux villageois, proposa de s’orienter en priorité vers la contrée Violaine plutôt que vers Iter.
Pourquoi me direz-vous ?
Car, dans cette contrée, la châtelaine en était maîtresse et, de plus, prête à la céder au gagnant du futur duel (sachant très bien que le chevalier félon ne l’aurait pas).
Cette région était belle, le terrain relativement plat donc plus apte à la construction. Et avec un seul propriétaire, les formalités juridiques et financières en seraient écourtées avec bonheur.

Malheureusement, Ortie avait déjà des vues sur cette contrée depuis de nombreuses années, car lui-même officiait en tant qu’acheteur et revendeur de biens immobiliers.
Il avait un plan précis : déchirer le parchemin Péadédé, en faire rédiger un autre qui l’arrangerait mieux, faire en sorte de ne pas faire construire sur ce terrain, et attendre le décès de la châtelaine pour le récupérer. Son dessein secret ? Transformer cette contrée en « jardin public » et installer Kultur et ses gens dans l’enceinte du château où le biniou, son instrument favori, aurait enfin toute sa place.
Vinssoux, son acolyte, l’aidait à fomenter ce projet car, il faut le savoir, il fût un temps où la châtelaine avait mis à jour certaines actions menées par l’homme des bois. Notamment à la cave du village. Et Vinssoux lui en tenait depuis grande rancœur. Cette occasion de se venger était trop belle pour lui, et il y mit toute son ardeur.
Ortie quant à lui, ne pensant avant tout qu’à sa bourse, commença à propager, via de faux parchemins, savamment répandus dans les blogruelles (par lui-même sous des noms divers et aidés également par d’autres copistes, plutôt simplets et ne comprenant pas les dessous réels de l’opération) que Dame Sainte-Victoire n’était pas honnête. Qu’il y avait anguille sous roche. Qu’en fait Dame Sainte-Victoire voulait Violaine, non pas pour loger les villageois plus vite, mais… pour que le chevalier félon d’Oran puisse y construire tranquillement son futur donjon !

C’est, il est vrai, complètement tiré par les cheveux. Mais figurez-vous que bon nombre de villageois se mirent à y croire et même à le colporter, en le déformant au fur et à mesure des répétitions de bouche à oreille.

Mais il y a quand même une morale : les villageois comprirent très vite l’ineptie de cette rumeur, surtout ceux qui avaient besoin d’un toit (même ceux qui aimaient le biniou mais qui savaient quelles sont les vraies priorités pour Venelles) et se rendirent en masse le 9 mars, jour du duel, pour bien montrer qu’ils n’étaient pas dupes.

Ou alors… c’est à désespérer des contes de chevaliers…

(Signé : Kaamelot)

Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait, bien entendu, être que fortuite.