Et pour ne pas laisser échapper les voix de son électorat traditionnel, la candidate socialiste s'est affichée plus à gauche que pendant la précampagne socialiste. Priorité au social : abrogation du CNE, revalorisation immédiate des petites retraites, le smic à 1 500 euros "le plus tôt possible dans la législature", une conférence nationale sur les salaires dès 2007. Le cible principale de la candidate est la "vie chère", selon la formule inspirée des débats participatifs sur le site Désirs d'avenir. Sur le logement, Ségolène Royal promet "une sécurité logement tout au long de la vie".

La plupart de ses propositions reprennent celles du projet socialiste, rendu public en juin 2006. La candidate ajoute quelques propositions issues des débats participatifs, comme le fait de "conditionner les avantages fiscaux et les aides publiques à une modération des loyers". Et va un peu plus loin, en proposant, par exemple, de "remettre à la location les logements vacants spéculatifs".

Autre innovation par rapport au projet socialiste : la candidate insiste sur les "coûts bancaires" : tarifs bancaires règlementés par l'Etat, réglementation plus stricte des prêts à la consommation pour limiter le surendettement. Des propositions qui tentent de répondre aux nombreuses critiques contre les établissements bancaires lors des débats participatifs.

Ségolène Royal multiplie les marqueurs à gauche. Dès le début de son "pacte présidentiel", elle se prononce pour "des services publics de qualité présents sur tout le territoire". Et, un peu plus loin, pour la création d' "un pôle public de l'énergie entre EDF et GDF". Ce qui impliquerait de revenir sur la privatisation de Gaz de France, et donc sur la fusion avec Suez.
Sur la santé (création d'une carte 16/25 ans d'accès à la santé gratuite), sur la réforme des institutions (renforcer le rôle de l'Assemblée, promouvoir la démocratie participative), sur l'environnement (avec une série de propositions précises sur la lutte contre le réchauffement climatique), la candidate semble également donner un coup de barre à gauche. Sur l'Europe, elle promet d'"inscrire dans les statuts de la BCE l'objectif de croissance-emploi". Une manière de donner des gages aux partisans du "non" au Traité constitutionnel européen, tout en défendant, sans plus de précision, la négociation d' un "traité institutionnel soumis à référendum pour que l'Europe fonctionne de manière plus démocratique et plus efficace ". Les propositions de Mme Royal intègrent ses prises de position polémiques : "le développement des centres éducatifs renforcés, si besoin avec un encadrement militaire", figure dans le "pacte". Tout comme la "présence d'un deuxième adulte dans les classes", si nécessaire.

La proposition d'un service civique pour les jeunes est également reprise, sans toutefois préciser s'il sera obligatoire, comme le demande le projet socialiste. De même, la candidate n'évoque pas les 35 heures pour les enseignants, proposition polémique issue d'une vidéo pirate qui avait circulé sur Internet.

Deux sujets qui peuvent peser, à gauche, sur la campagne sont quasiment absents de ses propositions. Sur les 35 heures, la candidate se contente de promettre d'"ouvrir les négociations pour déterminer comment on peut consolider cet acquis et réduire ses effets négatifs pour les ouvriers et les employés", sans se prononcer sur les réformes du temps de travail effectuées par le gouvernement Raffarin. Le projet socialiste précisait, lui, qu'il faudrait "rétablir par la loi les rémunérations des heures supplémentaires et les plafonds horaires comme ils l'étaient avant leur remise en cause par la droite."

Sur le nucléaire, le "pacte présidentiel" ne reprend pas les propos récents de Mme Royal sur la fermeture de la centrale de Fessenheim. Le texte promet un investissement important dans les énergies renouvelables, "ce qui permettra de créer 70 000 emplois et de réduire la part du nucléaire". Sans préciser ce que deviendra, par exemple, le projet EPR.

Avec ce texte, Ségolène Royal devrait parvenir à mettre fin au procès en incompétence porté par ses adversaires politiques. En étalant ses propositions concrètes, elle pousse son principal concurrent, Nicolas Sarkozy, à faire de même. Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste et proche de la candidate, s'en félicite : "le match recommence, il y a maintenant un projet sur la table".

(Source : Le Monde)